11/26/2017

Simon, 15 ans, se jette sous le train

Crédit photo : Daniel Wehner, Creative Commons
Cette semaine, les médias ont rapporté qu'un homme de trente ans s'était lancé devant un train de la ligne Saint-Hilaire.  Vendredi soir, Karine Dufour publiait sur Facebook qu'il s'agissait en fait de son jeune frère de 15 ans, Simon, un élève doué en musique qui fréquentait l'école secondaire André-Laurendeau.  L'information été confirmée par les médias samedi.  Radio-Canada a fait un reportage dans lequel le père du jeune homme lance un cri du coeur pour que cesse l'intimidation.



Un jeune homme âgé d'un an de plus que mon fils aîné.   Il aurait été victime d'intimidation.  Il s'est levé jeudi matin et il a décidé que c'était terminé.  C'était son seul remède pour faire cesser l'intimidation.

Ça me bouleverse.

Est-ce parce que mon propre fils a presque le même âge?  Parce qu'il a lui même eu des idées sombres l'an dernier?  Est-ce parce que j'ai moi-même contemplé les rails au même âge?  Est-ce parce que je suis stupéfiée par la méchanceté des jeunes qui intimident d'autres jeunes?  Est-ce parce que c'est une autre vie que nous aurions pu sauver si on avait su?

C'est tout ça.

Je m'interroge sur notre ouverture collective à accueillir la souffrance.  Celle de l'enfant, celle de l'adulte.  Avons-nous peur de la souffrance des autres?  Notre rapport au bonheur est-il si fragile que nous ne trouvons pas la force de faire face au désespoir des autres?  Sommes-nous encore trop habités par une pudeur mal placée qui nous empêche encore trop souvent de venir en aide à autrui?


Ce qui me trouble surtout, c'est l'immense désespoir qui a habité ce jeune homme.  Un mal qui emprisonne, si envahissant qu'il ne reste qu'à se jeter sous le train pour s'en libérer.

Il faut avoir mal en viarge pour se jeter sous le train.

Comment un enfant de 15 ans peut-il avoir si mal?  Quinze ans, une vie presque toute neuve plombée par une souffrance fatale.  Comment peut-on ne pas s'en rendre compte?  Comment a-t-il camouflé ce mal? Comment a-t-il pu endurer cette douleur jusque-là sans que son entourage le sache?  Et si on le savait, pourquoi n'a-t-on pu l'aider?



Simon Dufour.  Source : Radio-Canada








Je ne connais pas l'histoire du jeune homme et je ne veux porter aucun jugement sur l'aide qu'il a reçue ou non. Ses proches ont probablement tout fait pour l'aider.  Il n'en demeure pas moins qu'il décidé de mettre fin à sa vie parce qu'il ne pouvait mettre fin à ce qui le faisait souffrir.

Cet enfant n'est pas le seul à vivre de la souffrance.  Des milliers d'autres vivent aussi ce mal dans le silence.   Dans ce cas-ci, on rapporte que c'est l'intimidation subie à l'école qui aurait menée ce jeune au suicide.  Parfois, la souffrance est causée par autres choses, mais je crois que c'est bien plus que ça.   D'autres vivent de l'intimidation, de l'exclusion sans pour autant mettre fin systématiquement à leurs jours.  Ce qui tue, c'est l'impossibilité de pouvoir en parler pour que ça arrête, c'est l'incapacité à se libérer de sa souffrance.  L'incapacité à entrer en résilience.  Peut-on enseigner la résilience?  L'apprendre?

Simon Dufour.  Source : Facebook
Les campagnes de sensibilisation au suicide sont-elles efficaces? On ne pourra jamais mesurer précisément le nombre de vies sauvées, mais chaque fois qu'un nouveau suicide survient, je me demande pourquoi on a pas été capable d'intervenir plus tôt pour sauver cette vie-là.  Je n'ai pas la réponse et je ne ferai pas le gérant d'estrade en critiquant ou en proposant des pseudos-solutions, mais je m'interroge.

Je m'interroge sur notre ouverture collective à accueillir la souffrance.  Celle de l'enfant, celle de l'adulte.  Avons-nous peur de la souffrance des autres?  Notre rapport au bonheur est-il si fragile que nous ne trouvons pas la force de faire face au désespoir des autres?  Sommes-nous encore trop habités par une pudeur mal placée qui nous empêche encore trop souvent de venir en aide à autrui?

S'il est difficile en tant qu'adulte de vivre avec la souffrance, ce l'est davantage dans un corps d'enfant ou d'adolescent.   Peut-on aborder cette question de la même manière avec eux?  Peut-on améliorer notre façon d'aider?  En tant que mère, j'ai eu à aborder ces questions avec mon aîné, mais comment puis-je être certaine que mes interventions ont porté fruit à long terme?  Comment un parent peut-il être certain que son enfant est en lieu sûr?   L'aide psychologique est-elle suffisante? Et que fait-on si un enfant refuse de voir un psychologue?  Que fait-on si un parent ne juge pas que la détresse de son enfant justifie une visite chez le psychologue?  Que fait-on si un enfant garde tout ça en dedans?

Que fait-on pour éviter un drame?  Peut-on s'éduquer pour mieux aider et pas seulement qu'en situation de crise?   On ne fait pas un cours de secourisme le jour où survient un accident.  On le fait en amont, pour être prêt à aider le jour où nous serons témoins d'un accident.   Pour la prévention du suicide, ne devrait-on pas avoir une formation - un peu comme les cours prénataux- qui nous rendrait plus compétents dans nos interventions avec nos enfants et ceux des autres?

Peut-on élever notre compétence pour flairer plus adéquatement les causes d'une si grande souffrance et aider mieux nos enfants, nos frères et soeurs, nos amis, nos parents?


Un rappel : 
Vous ou l'un de vos proches a besoin d'aide?  Contactez le 1-866-APPELLE (277-3553) et votre appel sera acheminé à la ressource de votre région au Québec. Pour le reste du pays, consultez le site de l'Association canadienne pour la prévention du suicide.

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