9/19/2017

Arrête de dire que mon enfant est différent!


On entend ça à la pelle.  À la télévision, à la radio, sur le web, dans les écoles, à la commission scolaire, dans nos familles.

« Les enfants différents »

Une tautologie qui me fait grincer des dents.

On veut désigner ceux qui ne suivent pas le tronc commun, ceux qui ont besoin de soutien supplémentaire dans leurs apprentissages, ceux qui sont handicapés d'une manière ou d'une autre. Mais.... tous les humains sont différents!  Oui, ils sont différents, comme vous et moi le sommes.  Il n'y a pas deux être humains sur terre qui sont pareils, mêmes les jumeaux sont différents malgré leurs similarités.

Alors pourquoi parler des « enfants différents » ?  Pour les mettre dans une petite case, une petite boîte qui nous permet de les séparer des « autres » qui sont ...

...je vous entends le dire dans votre tête.

« Normaux ».  Les ceuzes qui suivent la norme.  Ceux qui ne sont pas « défectueux », sous-entend-t-on.

Mon fils a certes besoin d'accompagnement, de méthodes d'enseignement et d'un encadrement adaptés.  Il a des besoins que d'autres enfants n'ont pas.  Des besoins qui ne ressemblent même pas à ceux de sa petite camarade de classe qui elle-aussi est TSA.

Et c'est dans le respect de son caractère unique qu'il sera en mesure de créer des ponts avec tous les autres qui font partie de son écosystème.  C'est à partir de cette prise de conscience qu'il pourra célébrer qui il est et trouver la place qui lui revient dans la société, non pas en tant qu'être « différent » mais en tant qu'un être unique.  

Mais chaque enfant est d'abord un enfant.  Mon fils est un enfant.  Demain, il sera ado et après-demain, il sera adulte.   Si on continue de le désigner comme un individu « différent » - avec la petite étiquette qui dépasse de son chandail - on va le stigmatiser.  Il sera celui qui ne « fitte » pas nul part.

« Ben non! » s'exclament en coeur les biens-pensants.   Mais non, c'est pas dans ce sens-là qu'on dit ça, ce n'est pas péjoratif!   C'est beau la différence, il faut célébrer la différence! »

Ok, au sens général, oui, c'est beau la différence, mais nous utilisons le mauvais mot.  Nous devons célébrer l'unicité de chaque individu.

Mon fils est unique, comme le vôtre.  Il a besoin qu'on adapte un peu son environnement, il a besoin d'aide, d'un encadrement particulier, mais je n'ai pas envie qu'il passe le reste de sa vie à s'interroger sur un concept qui ne tient pas la route et qui lui renvoie le message qu'il fonctionne en marge de la société.  Les mots que nous utilisons peuvent changer le cours d'une vie.

Je veux que mon fils soit fier de ce qu'il est, avec ses forces et ses faiblesses, avec ses défis, avec sa réalité qui lui sera unique.  Unique, comme votre réalité l'est aussi.  Et c'est dans le respect de son caractère unique qu'il sera en mesure de créer des ponts avec tous les autres qui font partie de son écosystème.  C'est à partir de cette prise de conscience qu'il pourra célébrer qui il est et trouver la place qui lui revient dans la société, non pas en tant qu'être « différent » mais en tant qu'un être unique.

L'unicité est en fait notre seul grand dénominateur commun. C'est ce qui permet de créer, de bâtir, d'imaginer.  Reconnaître que nous sommes uniques permet aussi d'apprendre à s'aimer tel quel, à croire que, chacun à notre manière, nous pouvons contribuer à la société.

Alors, lâchez-moi ça, « les enfants différents ».  C'est la pire invention du siècle!


9/17/2017

Ne pas baisser les bras


Mon Loulou vient de passer sa ceinture jaune-orange au karaté.
Oui, mon p'tit loup qui ne parlait pas à trois ans, qui portait encore des couches à cinq ans.
Mon petit homme qui piquait des crises pas possibles en maternelle, en première et en deuxième année.

Oui, c'est le même petit.  Aujourd'hui, c'est une petite machine à paroles, une petite bombe de sociabilité, un petit bonhomme qui s'imagine déjà devenir un scientifique, qui parle l'anglais aussi bien que le français, qui pose des questions en rafales car il est curieux comme pas deux.
Mon petit Loulou a maintenant huit ans, la moitié de ses dents, et il fonce droit devant, avec confiance.

Mon petit a pourtant été diagnostiqué TSA et TDAH il y a cinq ans.  Et non, il n'était pas « juste un peu autiste » ou « autiste léger ».  Il était sur le spectre, big time, avec de gros retards de développement, des difficultés importantes dans ses interactions sociales, des troubles de comportements nuisibles à son adaptation à l'école.

Non, il n'est pas guéri.  Il ne le sera jamais, mais sa condition s'est grandement améliorée si bien que nous croyons qu'un jour, son diagnostic sera probablement imperceptible.

Qu'est-ce qui a fait une différence dans sa vie?

Le diagnostic précoce
D'abord, le diagnostic à trois ans est probablement ce qui l'a le plus aidé.  Quand une éducatrice de garderie émet une hypothèse sur l'état de son enfant, il est facile de se replier dans le déni, mais j'insiste, il faut vérifier, apprendre à reconnaître les premiers signes.  Lorsqu'on a des assurances, il vaut la peine de se tourner vers des centres privés comme le CÉNAA afin qu'une équipe multidisciplinaire évalue notre enfant.  Si on doit aller dans le secteur public, il faut se battre encore, mais le temps d'attente a diminué dans certaines régions, notamment en Montérégie.    Le diagnostic est le facteur-clé qui permettra à votre enfant d'obtenir des services et vous, du soutien.

L'implication de sa communauté 
Le jour du diagnostic, la directrice et l'éducatrice du CPE qu'il fréquentait nous ont accompagné. Elles se sont documentées, la directrice a demandé des subventions afin d'adapter son milieu, la travailleuse sociale du CLSC a fait le pont avec le Centre de réadaptation en déficience intellectuelle (CRDI), qui nous a ensuite soutenus à domicile et au CPE.

Lorsqu'il a fait ses débuts à l'école, il a eu droit à une insertion progressive.  Pendant un an, il a fréquenté une classe de maternelle spécialisée le matin et le CPE l'après-midi et il bénéficiait du transport en berline à l'heure du midi.

Nous l'avons accompagné avec l'ergothérapie, des ateliers d'éveil musical (il n'y en avait pas alors j'avais démarré un projet-pilote) et depuis un an, avec le karaté.  Nous avons appliqué les enseignements du CRDI à domicile, nous avons embauché une jeune enseignante pour l'aider avec ses devoirs l'an dernier.  Il ne pourra pas commencer son programme de troisième année encore, mais il a fait de nombreux progrès et je crois aujourd'hui qu'il finira par rejoindre le programme régulier au secondaire.

Quand il a commencé sa première année, il a changé d'école.   La nouvelle équipe-école a fait toute la différence. Il bénéficie d'un soutien incomparable. Ça, et l'aide du CRDI encore une fois.  Et puis l'assistance de notre merveilleuse travailleuse sociale qui m'a appuyée dans mes démarches et moralement aussi.   D'ici les prochaines semaines, il commencera les ateliers de gestion des émotions offert par le CRDI.  La cerise sur le sundae!  

Tous les intervenants se sont coordonnés pour aider mon fils. Aider, c'est le mot-clé, le mot qui change tout dans la vie d'un parent et celle d'un enfant.

Tout ça, car mon fils a eu un diagnostic très tôt.  Tout ça, parce que nous habitons en Montérégie où il y a un nombre plus élevés de cas qu'ailleurs au Québec et donc, davantage de services.  Tout ça parce que j'ai tenu mon bout, son papa aussi.  Nous n'avons pas baissé les bras, même quand c'était très décourageant.

Si j'ai eu envie d'écrire ce billet aujourd'hui - après des mois et des mois d'absence  (et j'imagine que vous comprenez pourquoi en me lisant, ma priorité était de soutenir mon fils) - mon petit coeur de mère recommence à battre.  Voilà cinq ans que je vis en me demandant si mon fils sera capable de cheminer adéquatement, que je retiens mon souffle à chaque tournant.

En tant que parent, chaque effort vaut la peine, ne serait-ce que pour améliorer un pour cent de la vie de notre enfant.  Chaque effort qui provient de son milieu de vie a aussi tellement d'importance.   Oui, il faut insister, demander l'aide nécessaire, dépenser des dollars qu'on aimerait mieux dépenser ailleurs, mais à la fin, lorsqu'on voit son petit qui profite de sa vie, qui aime sa vie, c'est la plus grande récompense.  Parfois on pleure, parfois on a envie de se rouler en petite boule dans le creux du divan, mais il ne faut pas lâcher.  Passez-le ce mot d'encouragement à d'autres parents.