3/29/2013

Le parent conjugué à l'imparfait

Mars a été un mois de fou. Dans le passé, c'était le mois qui me paraissait le plus long dans l'année.  Cette année, je n'ai rien vu. Avril est déjà là, avec les oies blanches et les canards qui croisent le ciel pour nous dire que le printemps arrive pour vrai.

Une réflexion a pourtant retenu mon attention ce mois-ci et c'est celle de Julie dans le blogue Joyeuses catastrophes.  Son billet, intitulé 10 choses que les profs ne disent pas, m'a inspiré un grand malaise.  Cette enseignante a bien des choses à nous reprocher, à nous, les parents.

Joyeuses catastrophes
Au-delà du propos, le ton est agressant.  Agressant, car on sent bien que le reproche est généralisé, manque de nuance.  En fait, c'est à se demander si cette enseignante - elle-même mère de trois enfants - se croit plus parfaite que nous tous.  Je présume qu'elle me répondrait que non, mais dans sa façon de dire les choses, on se sent bien plus qu'imparfaits dans son regard.

Néanmoins, elle a raison sur de nombreux points.  Oui, nous travaillons trop, oui, on se chicane devant nos enfants, oui, on pense que nos enfants sont uniques, merveilleux et parfois irréprochables, oui on s'offusque parfois de se faire dire que nos rejetons sont moins parfaits qu'on les avait imaginés, oui peut-être que nous ne les encourageons pas toujours assez, peut-être ont-ils besoins de passer plus de temps avec nous (et pas juste avec maman, en passant),  oui nous sommes parfois - souvent peut-être - inconstants et incohérents, et oui, ça m'énerve quand je trouve des fautes d'orthographe dans le matériel pédagogique de mon enfant (nous sommes toutes des reines du multitasking en passant. Ce n'est pas réservé aux enseignantes).

Sommes-nous de si mauvais parents pour autant? Peut-être.  Peut-être pas.  En fait, ce qui manque dans le billet de Julie, c'est un peu de perspective.  De toutes les époques, il y a eu de mauvais parents.  Il y a eu et il y aura toujours des parents narcissiques, égocentriques, violents, négligents, inattentifs aux besoins de leurs enfants et même carrément irresponsables et stupides. Ça, c'est inévitable et très triste, car n'importe quel tata peut se reproduire.   Mais au-delà de ça, il y a le parent ordinaire.

Le parent ordinaire est le parent que je suis, que vous êtes sans doute aussi.  Un parent qui apprend à devenir parent depuis le jour de la conception.  Un parent qui se trompe, un parent qui aime parfois trop, parfois pas assez, qui aime mal aussi, des fois.  Si enseigner n'est pas un métier facile - et mon admiration est sans borne pour les nombreux profs qui se démènent sans compter - il n'en demeure pas moins qu'être parent ne l'est pas non plus, ne l'a jamais été, d'ailleurs.

Quand notre rejeton fréquente l'école, on doit s'adapter à cette réalité.  Tout à coup, ce beau poupon qu'on a porté, qu'on a admiré, qu'on a cajolé, devient un petit bonhomme ou une petite bonnefemme qui doit à son tour se mesurer au système.  En tant que mère, je dois prendre conscience que mon enfant a des difficultés, qu'il n'écoute pas toujours les consignes, qu'il se révolte aussi parfois parce qu'il trouve le système trop rigide ou tout simplement parce qu'il ne comprend pas encore tout à fait pourquoi il doit aller à l'école. Et si parfois je me sens toute croche en ressortant d'une rencontre avec un enseignant, c'est que je le sens le ton du reproche.  Dans votre tête, l'équation est simple : si mon enfant a des difficultés, s'il est rebelle, s'il ne comprend pas son problème de math, c'est de ma faute à moi, le parent.

Beaucoup plus facile de blâmer que d'essayer de voir au-delà. Pourtant, de mauvais profs, ça existe encore et il y en aura toujours.  Certes, on respecte les bons, les dévoués, ceux qui ont la vocation. Mais comme ailleurs, il y a des profs qui sont mauvais, et ce sont ceux qui souvent se croient irréprochables.  Nos enfants sont aussi des êtres à part entière. On pourrait être des parents parfaits et nos enfants pourraient quand même être imparfaits.   Je fais de mon mieux, mais je ne serai jamais parfaite, mon enfant non plus.  Quand mon fils me dit qu'il a envie de passer plus de temps avec moi, je l'écoute.  On se parle, on échange, on partage. Des fois, on se chicane parce que je dis non.  Des fois il me met hors de moi parce qu'il s'obstine, mais on s'aime même si on est profondément imparfaits.  Nous savons aussi que les profs ne sont pas parfaits et pourtant, on les aime pareil...Plus important encore, je dis à mon fils qu'il va à l'école pour lui-même et non pour moi ou pour le prof. Ma job de parent, c'est de responsabiliser mon fils.  Que je sois une bonne mère ou pas, que ses profs soient bons ou poches, c'est son avenir qu'il apprend à diriger.

Quand on dit qu'il faut tout un village pour élever un enfant, ceci ne signifie pas qu'on souhaite se déresponsabiliser comme parent.  À mes yeux, ça signifie plutôt qu'on doit faire équipe - parents, éducatrices, enseignants, médecins, psychologues, travailleurs sociaux, etc. - pour aider nos enfants à devenir des adultes heureux et épanouis.  En fait, ça va même plus loin.  On doit faire équipe avec nos enfants, pas seulement entre nous.  Et quand on est tous dans la même équipe, on ne se tire pas dessus.




3/08/2013

Femme et mère

Avant d'être mère, j'étais femme.  Et pourtant, depuis que je suis mère, j'oublie parfois que je suis femme.  J'oublie, temporairement, subtilement, sournoisement.  J'oublie que je suis femme quand je suis bousculée par l'horloge et que je me prive d'un peu de temps pour moi.  Ma mémoire flanche quand la fatigue m’envahit et que l'énergie manque pour me rappeler que j'ai le droit de répondre à tous mes besoins qui jadis furent identifiés dans la pyramide d'un certain monsieur Maslow.  J'oublie que je suis femme quand je fais passer les besoins de tous les autres avant les miens.

Journée internationale de la femme 8 mars
J'oublie que je suis femme quand je me demande si j'ai le droit de tout avoir. Quand subtilement, je crois pour quelques instants un certain discours qui me culpabilise de vouloir être à la fois femme et mère. Je m'oublie cruellement quand pour une fraction de seconde, j'ai bêtement l'impression qu'il existe une faille entre mon état original et celle que je suis devenue. Bien involontairement, je me fais violence, ainsi qu'à toutes les autres, quand j'oublie de réconcilier la femme et la mère en moi.

La mère que je suis devenue malmène parfois la femme que j'ai pourtant toujours été, sans trop réaliser consciemment que ces deux états forment pourtant un tout. La mère en moi cherche à prendre le dessus sur la femme qui cherche à répondre à ses aspirations, à ses besoins.  Et pourtant, la femme que j'ai toujours été ne peut que rendre plus épanouie la mère que je suis devenue. La ligne n'est pas toujours droite entre la femme et la mère. Son tracé zigzague encore entre les désirs de l'une et les besoins de l'autre. Inconsciemment, un combat intérieur subsiste, même s'il n'a pas sa raison d'être.

Des générations de femmes avant la mienne, avant la vôtre, ont pensé qu'en devenant mères, elles devaient abandonner la femme qu'elles avaient toujours été. Certaines ont pleuré, se sont cherchées, se sont perdues dans leur désarroi, simplement parce que dans les faits, il était impossible de séparer ces deux états. Et pourtant, c'était leur réalité. Elles étaient déchirées par la faille qui les éloignait d'elles-mêmes et ne pouvaient atteindre le sentiment de complétude face à leur propre identité.

Si j'oublie parfois que je suis femme, c'est parce que des milliers d'années de conditionnement en ce sens ne m'ont pas épargnée, malgré tout mon cheminement, tous mes apprentissages. Fort heureusement, la femme que je suis, et que j'ai toujours été, réclame continuellement à la mère que je suis devenue de faire équipe, même si ce n'est pas toujours facile.  Mon plus grand défi est de cultiver l'équilibre entre la femme et la mère qui m'habitent, car je ne suis qu'une seule et unique personne.  Je le fais pour moi, pour mes enfants, pour toutes les autres...

Bonne fête à vous toutes!