11/16/2009

Valérie Hains, une « mamentrepreneure » déterminée

Au Canada, le nombre de femmes qui fondent leur propre entreprise a augmenté de 50% de 1989 à 2004.  En 2010, la CIBC prévoit qu'un million de Canadiennes seront propriétaires d'une PME ou travailleuse autonome.  Plus de 60 % des travailleuses autonomes ont opté pour ce mode de travail en raison du mode de vie qu’il leur procure.  Elles ne cherchent pas nécessairement à assurer l’essor de leur entreprise : elles visent plutôt à équilibrer leur vie familiale et leur vie professionnelle.  Au Québec, les mères entrepreneures seraient de plus en plus nombreuses, mais il n'existe pas encore de données officielles à leur sujet.

Valérie Hains, une enseignante de formation de St-Charles-de-Bellechasse, est l'une de ces mères québécoises qui, après avoir eu quatre enfants, a décidé de fonder sa maison d'édition.  En cours de route, elle s'est rendue compte qu'il n'existait pas de ressources spécifiques pour aider les mères entrepreneures dans leur projet.  C'est ainsi qu'elle a fondé une association pour elles, les Mamantrepreneures Inc.  On a récemment parlé d'elle dans Le Soleil (ici et ici ).

Elle a eu la gentillesse de répondre à mes questions :


Les Mamantrepreneurs ont été fondées en mai 2009.  Comment as-tu eu cette idée?
En faisant mes démarches pour fonder mon entreprise d'édition, je me rendue compte que les personnes qui me donnaient du coaching en entrepreneuriat étaient très sympathiques et compétentes, mais qu'elles n'avaient pas le même vécu de moi qui a quatre enfants à la maison.  Je me suis allée voir sur Internet s'il y avait des associations de mères entrepreneures au Québec.  J'en ai trouvé aux États-Unis et au Canada anglais, mais rien ici.

En mai, l'idée a germé.  J'ai ensuite testé le marché pour voir quels étaient les besoins des mères d'ici. J'ai contacté des regroupements en France (Céline Fenié, notamment). Je me suis associée avec deux autres mères.  On a fait les démarches pour officialiser le groupe des Mamentrepreneurs.  Nous en avons fait une entreprise dont 10% des profits vont à une cause pour aider les mères ou les enfants.  Notre portail web sera en ligne au début de décembre. Aussi, nous donnons toujours nos contrats à des mères qui ont des entreprises. Donc, notre site sera réalisé par une mère entrepreneure.

Quelle est votre mission?
La mission des Mamentrepreneurs Inc. est de rassembler toutes les mères entrepreneures au niveau provincial ainsi que celles qui aimeraient démarrer une entreprise.  Il y a la « curieuse » : elle en congé de maternité ou mère à la maison et a le goût de s'accomplir autrement qu'en allant travailler, mais ne sait pas encore comment s'organiser.  Il y a ensuite la « fonceuse » :  celle qui dit « oui, je sais où je m'en vais et je veux créer mon entreprise ».  Enfin, « l'accomplie » a déjà son entreprise et veut faire bénéficier les autres de son expérience.

Quelles sont les activités des Mamentrepreneures?
À compter de janvier, par exemple, en partenariat avec le Ministère de l'éducation, nous donnerons le cours « Comment démarrer une entreprise » via une salle de cours virtuelle. Les participantes pourront le suivre de la maison.   C'est aussi un réseau d'échange via les « Mamcafés » qu'on organise mensuellement. On a commencé à Québec nous en avons déjà fait sept à ce jour.  Le 16 novembre nous serons à Brossard et le 17 à Laval.  Nous avons déjà une dizaine d'inscriptions pour chaque événement. Ensuite, nous irons à Sherbrooke le 23 novembre.  Nous avons aussi des demandes pour Gatineau et Ottawa.

Que faites-vous lors des « mamcafés »?
Dans la première heure, les mères sont invitées à se présenter.  Nous avons organisé des mamdating par exemple, où au début de la rencontre, chaque mère doit rencontrer le maximum de participantes, le plus rapidement possible (activité inspirée du speedating).  Lors de la deuxième heure, nous abordons un sujet de discussion qui a été envoyé à l'avance.  Par exemple, « Pourquoi devenir Mamentrepreneur? » Durant la troisième heure, les participantes sont invitées à présenter leur entreprise, partager nos idées ou même à faire tester leurs produits.  Des partenariats « naturels » se créer entre elles.

Le mamentreprenariat est-il accessible à toutes les mères?
Oui, c'est accessible, mais ce n'est pas tout le monde qui va être bien avec ça.  Il faut vraiment avoir une façon de penser où la famille passe en premier.  L'entreprise doit passer en deuxième.
Il faut avoir des valeurs familiales assez fortes pour survivre au mamentreprenariat. On est souvent isolée, dépassée par les événements.  Nous, (les Mamentrepreneures) nous sommes là pour leur donner des ressources pour mieux s'organiser.  Nous voulons instaurer du mantorat avec des mères déjà en affaires. N'importe quelle passion peut devenir une idée d'entreprise.

Financièrement, comment fait-on pour démarrer une entreprise à domicile?
On peut se tourner vers le programme de Soutien au travailleurs autonomes (STA) si on est déjà salariée, au chômage ou en congé parental.  Or, les mères à la maison n'y ont pas droit et je me bats un peu là-dessus.  Je veux que les mamentrepreneurs aient un pouvoir économique et social.  En m'associant avec des partenaires, je veux faire un gala annuel, créer des bourses pour aider les mères à démarrer leur entreprise.

Comment une salariée pourrait-elle faire le saut?
On ne fait pas le saut du jour au lendemain.  On doit mijoter son idée et certaines mères ont mis un an ou plus pour mettre leur projet sur pied.  Certaines ont conservé leur emploi et ont créé une boutique en ligne qu'elles gèrent le soir et les fins de semaine.  Ca arrive souvent quand on est en congé de maternité parce qu'on dispose d'un peu plus de temps pour mûrir et mettre en place son projet.

Qu'est-ce qui distingue une mère entrepreneure d'un autre entrepreneur?
Elle ne veut pas nécessairement faire trois millions par année et faire des affaires à l'international.
La compétition est plus seine.  Les mères sont plus sensibles entre elles.  Leurs objectifs sont moins élevés, des objectifs plus adaptés à leur réalité.  Quand mes enfants seront tous les quatre à l'école, je pourrai me fixer d'autres objectifs en fonction de cette nouvelle réalité.  Nous sommes capables de vivre avec un succès qui ne sera pas immédiat.

Peut-on vraiment mieux concilier travail et famille en étant son propre patron?
Je pense que ça se joue au niveau des valeurs familiales. Si pour toi, c'est plus important d'être le plus possible avec tes enfants, c'est ce qui va passer en premier.  Pour moi, je me sens très mal d'envoyer mes enfants à la garderie avant 3 ans.  Je voulais être là quand mes filles reviennent de l'école.  C'était important pour moi d'être toujours disponible.  Je peux jongler avec mon horaire.  Je peux me fixer mes propres objectifs.

Est-ce difficile de travailler avec les enfants à la maison?
Certaines mères vont faire garder leurs enfants à temps partiel.  Moi, mes deux plus jeunes dorment 2-3 heures durant la journée.  Le jour, je travaille sur mon projet d'édition et le soir, je réponds à mes courriels pour les Mamentrepreneures. Il faut adapter nos horaires selon nos réalités familiales.

Viens-tu d'une famille d'entrepreneurs?  D'où vient ton goût pour l'entrepreneuriat?
C'est drôle que tu me poses la question, car je me l'ai justement posée récemment.  Mes parents ne sont pas du tout entrepreneurs.  Je me suis rendue compte que ça vient de ma grand-mère maternelle.  Ma mère était fonctionnaire et je me faisais toujours garder chez mes grands-parents.  Ma grand-mère était très entreprenante pour son époque.  Elle a eu un restaurant à domicile et elle faisait des lavages.  Mon grand-père avait son camion et il était propriétaire d'immeubles à logements.

As-tu un conseil à donner à des mères qui veulent démarrer leur entreprise?
Aller voir les ressources qui existent.  Plusieurs ont de bonnes idées, mais elles ne vont pas voir les ressources qui existent pour structurer leur projet.  On a pas toutes les compétences et il faut aller les chercher.  Il faut suivre une formation en démarrage d'entreprise. Ça prend aussi de la créativité, de la persévérance et du soutien.  Nous ne sommes pas des superwomans.  Il faut bien s'entourer tant que sur le plan de l'entreprise que sur le plan familial.

***
 Pour démarrer son entreprise, Valérie a suivi une formation en démarrage d'entreprise donnée par la Commission scolaire de sa région.  De plus, pour se spécialiser dans le domaine de l'édition, elle suit aussi une formation à distance donnée par Mini-Génie.

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